Au Québec, ce n'est pas un problème de connaissance, mais de libertés !
Au mois de novembre dernier, lors d'une conférence portant sur la production de viande au pâturage organisée par le MAPAQ (Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec), j'ai eu la chance de vivre un moment unique avec quelques agriculteurs passionnés. Lors de la pause du souper, Joel Salatin de la ferme Polyface (la personne ayant le plus influencé mon parcours en agriculture) est venu se joindre à notre groupe visiblement passionné.
Après avoir discuté de divers aspects de l'agriculture, nous avons abordé le thème des libertés; une problématique qui touche particulièrement les agriculteurs artisans au Québec. Les points soulevés à notre table contrastaient fortement avec la ligne adoptée par le MAPAQ. Attention ! Il y a bien sûr des gens motivés et compétents au ministère !
Le MAPAQ est responsable de l’actuel modèle agricole. Il s’agit d’un modèle basé sur des règles que je qualifierai de « politicolobbyyyysme » ! En somme, en misant sur leurs appuis politiques, les lobbys du Québec ont réussi à créer diverses règles alimentaires et sanitaires inutiles et dénuées de bon sens. Ces règles mises en place pour les industrielles endurcies nécessitent souvent des investissements en capital très important ; laissant pour compte les agriculteurs artisans du Québec. D’ailleurs, quelques-unes de ces règles cherchent à limiter certaines productions qui sont, selon eux, menaçantes pour le système, même s’il s’agit de productions d’ici.
Ces règles utopiques et inventées limitent le développement et la transformation de plusieurs produits artisanaux de haute qualité. Pourtant, ces produits plaisent aux consommateurs, sont bénéfiques pour la santé, aident l’environnement, encouragent la relève agricole & artisanale d’ici, aident les productions régénératives, ainsi que les modèles écoresponsables et rentables.
Afin d’approfondir vos connaissances à ce sujet, je vous recommande de lire La ferme impossible, écrit par Dominic Lamontagne.
Les artisans agricoles regorgent de connaissances visant à améliorer et revigorer les terres abandonnées du Québec. Certains Québécois seraient surpris des formations et qualifications professionnelles que disposent les agriculteurs paysans que j'ai rencontrés. Nous ne sommes pas des hippies vivant d'amour et d'eau fraîche! Au contraire, nous sommes éduqués, passionnés et nous cherchons constamment à donner un sens à l'agriculture du Québec.
À titre d’exemple, un producteur faisant l’utilisation de 60 porcs au pâturage, avec une rotation de 6 ans, dans un système de planches rotatives maraîchères, parviendra à réduire sa dépendance aux engrais chimiques, aux herbicides et aux combustibles fossiles. Voici un bel exemple de développement québécois! Bravo! Or, les plus grandes difficultés de cet agriculteur ne résulteront pas des variations de température, d’un terrain trop humide, ou d’un cochon en cavale! Son principal problème sera plutôt le manque d'abattoirs de petite échelle qui lui permettrait d’obtenir un produit de qualité.
Ce qui est frustrant, c'est que les connaissances sont là. L’entrepreneur est là. Les ressources familiales sont là. L'énergie du jeune agriculteur est là. La clientèle est là. Cependant, le Québec n'est pas là.
La liberté que nous primons sans cesse et que nous avons défendue par notre langue française ou dans notre histoire ne semble pas exister en agriculture au Québec. On se vante d'être un pays libre, d’être une province différente, mais on ne peut pas produire un boeuf, un porc, du poulet ou du lait cru comme nos grands-parents l’ont fait.
Je serais curieux de discuter avec mon grand-père du contexte actuel. À l’époque, il était producteur laitier, maraîcher, acéricole et boucher. Je me demande s’il serait fier de ce qu’est devenu le Québec agricole d’aujourd’hui. Que penserait-il de ne pas pouvoir abattre ses animaux à la ferme, de ne pas pouvoir produire son lait cru et de ne pas pouvoir produire son beurre qu'il vendait au marché de Trois-Rivières? Ironiquement, nous pourrions avoir cette discussion autour d’un bon verre de Coca-Cola, accompagné de délicieux doigts de poulet Flamingo congelés que nous pourrions tremper dans un succulent ketchup Heinz. Voilà un souper presque parfait approuvé par le MAPAQ, l’UPA, etc. !
L'Histoire a souvent raconté le destin de peuples ignorants et privés de toutes libertés. L’inverse est plutôt rare! Un peuple ignorant est une nation aveugle.
En ce qui nous concerne, nos grands-parents nous ont laissé en héritage d’innombrables connaissances. D’un autre côté, notre ouverture sur le monde et la venue des technologies modernes améliorent chaque jour nos pratiques agricoles. Nous, les agriculteurs québécois, pouvons faire beaucoup mieux que d'arroser nos champs de Roundup! Les libertés durement acquises dont nous bénéficions autrefois nous échappent progressivement depuis plusieurs années. Le tout, au profit de ce « Boy’s Club » s’affairant à tirer les ficelles d’un système qui, à son tour, accepte d’adopter des règles stupides brimant nos libertés et faisant abstraction de notre héritage.
Quand couperons-nous les ficelles ?
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